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L’étrange super-pouvoir de la synesthésie, entre art et science


Reste que ce mystérieux super-pouvoir semble impliqué dans la créativité. De nombreux auteurs, à l’instar de Vladimir Nabokov, ont écrit sur la synesthésie qu’ils éprouvaient sans la nommer comme telle : « Les jaunes comprennent divers e et i, un d crémeux, un y doré et un u, dont je ne peux exprimer la valeur alphabétique que par cuivré avec un éclat d’olive. » Même ressenti du côté de l’écrivain britannique Daniel Tammet, qui intitule un de ses livres Je suis né un jour bleu. Dans les arts visuels, la synesthésie est aussi très présente sous deux formes : l’art créé par les synesthètes (ou supposés) et l’art qui fait appel à la synesthésie ou — du moins – qui cherche à l’évoquer chez le spectateur.



Kandinsky et la chromesthésie

Ainsi de nombreuses peintures s’appuient sur la chromesthésie, cette synesthésie qui associe le son à la couleur. Le cas le plus emblématique est celui de Vassily Kandinsky, dont les titres des tableaux évocateurs de la musique résument l’enjeu. Exemple avec Accords opposés (Gegenklänge), dont l’intitulé et l’image convoquent des sons et soulignent des contrastes. Selon l’artiste, une œuvre d’art doit exprimer un équilibre de tensions afin de produire l’effet désiré – un « son maximal » – par opposition d’éléments. Le contraste se joue entre les deux cercles, l’un à gauche et l’autre à droite. Le spectateur peut percevoir ce jeu d’opposition en contemplant le jaune et le bleu dans le cercle supérieur qui, à son tour, s’oppose à la ligne qui zigzague en contrebas.


Une autre œuvre marquante est Impression III (Concert), tableau musical créé après que l’artiste ait assisté à un concert du compositeur (et peintre) Arnold Schönberg à Munich. Enthousiasmé par l’énergie et l’harmonie des sons entendus, Kandinsky va transcrire ses impressions sur toile, à l’aide de formes et de couleurs vives, permettant ainsi aux autres de la ressentir. On remarque aussi dans l’œuvre un piano esquissé et un public comme transporté : « Le destin spécifique, le cheminement autonome, la vie propre enfin des voix individuelles […] sont justement ce que moi aussi je recherche sous une forme picturale », dira Kandinsky.


Cette idée de musique visuelle infuse nombre de mouvements picturaux dès la fin du XIXe siècle, soit depuis que ce phénomène neurologique favorisant des sensations simultanées a été mis en évidence par le Dr Georg Sachs en 1812. Ainsi le compositeur finlandais Jean Sibelius entendait le jaune en ré majeur et le vert en fa majeur. Cette faculté exceptionnelle ne pouvait que fasciner son compatriote Akseli Gallen-Kallela, peintre curieux par nature et soucieux d’établir des liens entre le visible et l’invisible. Il n’y a qu’à voir ses paysages…


Au début du XXe siècle, l’association musique/couleurs séduit de plus en plus d’artistes, portés par les progrès de la physique et de la psychologie expérimentale. C’est le cas notamment du Suisse Charles Blanc-Gatti, qui interprète picturalement des morceaux de musique comme Suite bergamasque pour piano (1905) de Debussy, dans une déclinaison de bleus et de formes. Inspiré, Walt Disney sortira sur grand écran son inoubliable Fantasia… Une explosion des sens dans laquelle s’engouffre également Alexandre Vitkine, ingénieur de formation, qui réalise en 1967, sans ordinateur, Chronophonies, un film d’animation de formes abstraites et de sinusoïdes en mouvement, et surtout en musique.



La science face aux « fotismos » de Van Gogh

Bien sûr, l’abstraction n’est pas le seul refuge de la synesthésie. D’autres peintres ont produit sans nul doute des œuvres synesthésiques dont la fameuse Nuit étoilée de Van Gogh. Ce dernier expliquait dans ses lettres à son frère Théo que chaque peintre avait sa « palette de couleurs préférée » et que ces nuances étaient une manière pour l’artiste de « traverser les ténèbres de son cœur pour trouver la lumière ». Un penchant synesthésique que l’American Association of Synesthesia (ASA), a scruté en mettant en évidence dans la peinture de Van Gogh la présence de « fotismos », c’est-à-dire un type de réponse sensorielle qui présente une chromesthésie, l’audition colorée. Et que penser de l’ultime série des Nymphéas de Claude Monet quand on sait qu’en vieillissant, malade des yeux, la vision du maître impressionniste va se brouiller…



Reste que les liens entre synesthésie et créativité demeurent nébuleux : « on ne connaît pas le pourcentage de synesthètes parmi les artistes », rappelle Jean-Michel Hupé. Le chercheur affirme aussi que « même si les associations synesthésiques semblent souvent poétiques aux non-synesthètes, leur fixité́ et automatisme les rendent en fait réfractaires à toute créativité ». On en revient encore au plus jeune âge, où tout se jouerait : « Les associations synesthésiques pourraient témoigner d’une créativité développée pendant l’enfance. » À l’inverse de se demander si les synesthètes sont différents, de nombreux chercheurs tentent plutôt de savoir si nous ne serions pas tous synesthètes… Un pouvoir que certains garderaient en devenant adultes et d’autres oublieraient.


C'est fou on en revient à Van Gogh. Je parlais hier que j'avais un lien d'une vie antérieure avec lui pour plusieurs raisons et preuve et la comme par hasard .....Je ne savais pas qu'il était synesthète comme moi !!!!



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